Chapitre 4

À son retour de la ville, Karaayakoglou s’enferma dans sa demeure. Les nouvelles étaient à la fois bonnes et mauvaises… La guerre avait éclaté, la guerre qui ne cessait de happer des êtres humains. Le feu qui dévorait les Balkans était tel que le nombre de soldats s’avérait insuffisant. Le chef du bureau de recrutement militaire lui avait dit d’attendre les ordres. Au train où allaient les choses, il faudrait certainement enrôler des hommes de plusieurs contingents.

Karaayakoglou se réjouissait d’être rentré chez lui. Il s’était ennuyé de Vessilè.

Lorsque Sati avait épousé Hassan, Fadimè avait trouvé Vessilè pour rajeunir le cœur vieilli de l’agha. C’était la plus jeune et la plus jolie des filles d’Omer, l’oncle de Hassan. Ses deux aînées non plus n’avaient pas quitté le domaine. L’une s’était mariée avec le fils aîné de Mourtaza et l’autre avec Muslim, le fils du berger Yamatch.

En automne, l’agha, que l’affaire de Hassan avait contrarié, avait repoussé une première demande en mariage. Et quand, au printemps suivant un nouveau prétendant s’était présenté, il avait répondu qu’il n’était pas encore las de nourrir Vessilè.

Il avait raison. Lui qui la nourrissait depuis des années ne pouvait tout de même pas lui permettre de quitter sa demeure avant qu’elle n’eût rendu service… Si quelqu’un de l’intérieur, c’est-à-dire du domaine, l’avait demandée en mariage, il aurait peut-être réfléchi. Mais c’était quelqu’un du dehors, quelqu’un du village, qui la voulait… Et elle n’avait pas encore rendu un seul service pour rembourser ce qu’elle avait mangé et mis sur son dos. À l’époque, sa mère n’avait rien dit, mais maintenant, elle était inquiète. Vessilè avait seize ans. « S’il ne la donne pas non plus cet automne, c’est qu’il a une idée derrière la tête, » disaient les gens, en commençant par Fadimè. Il y avait plus d’un an que Zéliha était morte. Zéliha était la deuxième femme de l’agha. Celui-ci avait une chambre vide. Il fallait remplacer celle qui était morte. C’était la tradition, chez les Karaayak. Lorsque l’une des femmes de l’agha venait à manquer, celle qui restait était chargée de la remplacer par une plus jeune et plus jolie. Celle qui ne respectait pas cette tradition se faisait battre par l’agha avant de mourir puis allait en enfer. Le mieux était de se débrouiller pour trouver une remplaçante et satisfaire l’agha avant de se faire corriger et d’être envahie par la crainte de l’enfer.

Voilà pourquoi elle était allée rendre visite à Sati. Malheureusement, l’amour né dans la plaine avait fait échouer ses projets. Elle regrettait d’avoir dit que Sati était encore trop jeune. L’agha ne se plaignait pas. Il ne laissait rien voir, mais Fadimè comprenait tout à la rage qui s’emparait de lui dans l’obscurité de la nuit. Elle devait faire vite sinon, pour un oui pour un non, cette colère dissimulée serait bientôt suivie de coups de bâton.

Lorsque la deuxième gueurudju vint demander Vessilè en mariage et s’en retourna les mains vides, les yeux de Fadimè brillèrent de joie. Un soir, après le dîner, elle prépara le café de ses propres mains, en tendit très respectueusement une tasse à son agha, se servit également et aborda le sujet qui la préoccupait.

Vessilè était jolie. Elle avait plus de seize ans. Et ce n’était pas une étrangère. Elle avait grandi entre leurs mains. De plus, elle avait bon caractère. S’il n’y voyait pas d’inconvénient, c’était tout à fait ce qu’il lui fallait. Elle était peinée de voir que la chambre de Zéliha demeurait vide. Ce n’était pas digne de la réputation des Karaayak. Toutes les chambres de leur demeure devaient être occupées. Son agha ne voudrait certainement pas aller à l’encontre des traditions. Vessilè était faite pour lui. Il n’avait qu’à réfléchir et s’il était d’accord, elle convoquerait dès le lendemain Omer et sa femme pour leur annoncer la bonne nouvelle.

Karaayakoglou n’avait nul besoin de réfléchir. Dans ce domaine, il s’en remettait complètement à Fadimè. Puisque telle était sa volonté et que, soucieuse de son bien, elle obéissait aux traditions, il n’avait rien à redire…

Malgré tout, il réfléchit quelques instants… Vessilè était bien jeune… N’était-il pas un peu vieux pour elle ?

Fadimè se mit à rire…

Les hommes ne vieillissaient pas, voyons ! Et même ! Son agha n’en était pas encore là… Elle était bien placée pour le savoir… Lui était-il possible d’oublier ces nuits merveilleuses qui, pourtant, commençaient à s’estomper dans sa mémoire ? Un homme capable de créer de belles nuits serait encore vert à cent ans. Le devoir d’une femme était de rendre heureux son mari et elle n’en était plus capable. Elle s’en rendait bien compte. Elle lui avait donné deux fils et une fille. Celle-ci s’était mariée avec Halil, le fils des Sèlimoglou de Derbent. Un garçon portant le même nom que lui. Si quelqu’un avait vieilli, c’était elle. Elle ne pouvait plus être son soutien comme autrefois. Elle n’était plus capable de diriger la maison à elle toute seule. Il lui fallait désormais partager la besogne avec quelqu’un d’autre.

Elle s’occuperait de la cuisine tandis que la nouvelle venue égaierait les nuits de son agha. S’il s’inquiétait d’elle de temps en temps, lui demandait de ses nouvelles, elle en serait contente.

Karaayakoglou était aux anges. Il avait eu bien des femmes jusqu’à ce jour, mais aucune ne s’était montrée aussi compréhensive que Fadimè. Aucune n’avait agi si franchement, si sincèrement à son égard.

Il se réjouit.

Lorsqu’au lit, elle lui tourna le dos, il la secoua par l’épaule et lui dit : « Retourne-toi… »

*

**

Sa mère l’avait regardée tristement. Quand l’agha avait renvoyé la deuxième gueurudju, elle s’était dit que Vessilè ne se marierait jamais, qu’elle mourrait sans goûter au bonheur. Elle connaissait pourtant bien celui qui la voulait. C’était un camarade de Hassan. Il ne le valait pas, bien sûr. Ça, c’était impossible… Mais il était jeune et travailleur, d’après ce que disaient les villageois. C’était Doudou qui était venue parler en son nom. Omer et sa femme étaient d’accord depuis belle lurette. L’affaire avait même été jusqu’aux oreilles de Vessilè qui s’était mise à rêver. Elle aussi avait droit au bonheur. Et c’était l’occasion ou jamais. Si l’agha ne changeait pas d’avis, elle descendrait dans la plaine avec les villageois et ne remonterait pas. Sa décision était prise.

Mais sa décision ne comptait pas… Tant que l’agha n’en donnait pas l’autorisation, aucun des habitants de son domaine ne pouvait descendre dans la plaine ni même au village. Certains fuyaient, mais c’était très rare. L’agha entrait alors dans une violente colère, les faisait poursuivre par ses hommes, comme si son honneur était taché, comme si on avait enlevé sa fille et sa femme. Il les faisait rechercher jusqu’à ce qu’on les trouvât et les tuât…

Tant pis… Elle lui demanderait la permission de suivre les villageois et s’il refusait, elle s’enfuirait quelque part dans la plaine, elle aussi… On perdrait sa trace. Il ne pourrait pas la retrouver. Ce n’étaient pas les hommes qui manquaient là-bas… Elle entendait les filles du village raconter toutes les idylles qui s’y nouaient…

La dernière de ces idylles était celle de Sati. Sati avait un an de moins qu’elle, même deux si l’on comptait les mois. « Sati est née en plein hiver et toi, au temps des châtaignes » disait sa mère. Sati vivait un bonheur féérique. Quant à elle, Vessilè, elle était une vieille fille. Lorsqu’elle entendait parler les filles de son âge qui étaient mariées ou qui attendaient leur second enfant, elle se rongeait les sangs. Pourquoi n’avait-elle pas aussi un mari pour lui réchauffer son lit ? Pourquoi n’avait-elle pas d’enfants ? Tout cela, à cause des caprices d’un agha…

Était-elle vraiment si laide, ou bien avait-il une idée derrière la tête ? Pourquoi mettait-il des obstacles à son bonheur ? Pourquoi renvoyait-il tous ses prétendants ? À cause de Davoud ? Pensez-vous ! Davoud était un frère pour elle. Ils avaient grandi ensemble. Elle avait même quelques mois de plus que lui. Ce n’était pas possible…

Alors pourquoi ?

Qui sait !… Pouvait-on pénétrer les desseins d’un agha ? Il devait avoir ses raisons. Il n’y avait rien d’autre à faire qu’à se résigner et attendre.

Omer devine le chagrin de sa fille à l’expression vague de ses yeux. Il ne descend plus au village. Il prend ses moutons et les conduit dans le pâturage le plus éloigné. Il ne joue plus que des airs tristes. Ses moutons avancent lentement, mâchent lentement ce qu’ils ont dans la bouche.

L’herbe verte et tendre n’a pas encore poussé. La terre est couverte de neige. Une blancheur immaculée recouvre les versants de la montagne. Les moutons ne devraient pas sortir de la bergerie par ce temps. Mais personne n’ose se mêler des affaires d’Omer… On ne peut lui donner de conseils en ce qui concerne son métier. Personne ne s’y connaît mieux que lui. Il parle avec ses moutons. Il comprend leurs soucis. Il réalise leurs désirs et eux, les siens.

Ils marchent devant lui, laissant de fines traces d’ongles sur la neige. Ils ruminent la paille des râteliers dont ils se sont rempli la panse toute la nuit. Leur berger sait qu’il n’y a pas d’herbe, mais ce n’est pas la raison de son tourment. Ne sont-ils pas ses plus proches ? Il cherche quelqu’un avec qui partager sa peine. Qui peut le comprendre mieux qu’eux ?…

*

**

Fadimè fit dire à Omer qu’elle voulait lui parler… Pourvu qu’il ne fût rien arrivé de fâcheux ! Il fallait une raison importante pour que Mourtaza grimpât une pente si raide. Pourquoi la femme de l’agha le faisait-elle venir ? Il se passait certainement quelque chose de très important…

Tandis que le soleil de mars balayait la neige de ses pâles rayons, Omer fit faire demi-tour à ses moutons, les mit à la bergerie, leur donna à boire et à manger. Il rentra chez lui à grandes enjambées. Sa femme était au courant. Elle l’attendait, mains croisées sur le ventre. Elle voulait l’accompagner chez Fadimè Kadin. Il s’agissait peut-être d’une bonne nouvelle. Peut-être qu’un nouveau prétendant s’était présenté pour Vessilè et que, cette fois-ci l’agha allait accepter…

Ah ! Si seulement c’était vrai !… Si seulement il acceptait… Omer aurait été fou de joie…

Il fallait courir apprendre ce que voulait leur dire Fadimè Kadin…

Ils marchèrent côte à côte, s’agenouillèrent côte à côte dans la salle à manger de Karaayakoglou.

Fadimè Kadin récitait son chapelet. Lorsqu’ils s’agenouillèrent, elle releva la tête et leur fit part de ses projets.

Elle aimait beaucoup Vessilè. Elle l’aimait comme sa propre fille. C’était elle qui l’avait élevée. Elle en avait fait une dame. Vessilè ne craignait aucune rivale en ce qui concernait les tâches ménagères et faisait preuve d’une grande adresse pour tous les travaux féminins. Et voilà qu’elle avait grandi… Pour peu, elle aurait commencé à vieillir… Il fallait penser à en faire une femme, une femme d’agha, à lui trouver un bon parti.

Elle avait réfléchi à la question… et pris une décision. Zéliha avait laissé vide une des chambres de la maison, et privé l’agha de ses habitudes. Elle-même n’était plus bonne à rien… Ella allait leur donner une chance inespérée. Elle allait marier Vessilè à l’agha… Avaient-ils quelque chose à dire.

Une lueur d’incrédulité brilla dans les yeux de l’homme et de la femme. Ils se redressèrent. C’était réellement une chance inespérée. Leur fille… La pauvre fille d’Omer le domestique allait devenir la femme d’un agha. Leurs petits enfants seraient des enfants d’agha. Omer allait marier sa fille avec le plus puissant de tous les aghas… Le respect commençait dans la demeure des Karaayak et s’étendait sur tout Bozdag…

Fadimè attendait. Elle avait deviné leur réponse à l’éclat de leurs yeux. D’ailleurs, ils n’avaient pas le choix puisque c’était le désir de leur patronne.

La femme regarde son mari. C’est à lui de répondre. Il le fit : L’agha n’avait qu’à faire comme bon lui semblait et Fadimè Kadin, comme elle l’entendait… Vessilè n’était-elle pas à eux ? N’était-ce pas davantage la fille de Fadimè Kadin ? Elle s’était donné tant de peine pour elle ! Ne l’avait-elle pas élevée avec sa propre fille, sans faire de différence ? La plupart des jeunes gens n’étaient-ils pas intimidés à l’idée qu’elle avait grandi dans la demeure d’un agha, en compagnie de la fille d’un agha ? Ne savait-on pas que seul un agha pouvait la rendre heureuse ? C’était pour cela qu’elle avait peu de prétendants. Uniquement pour cela. Elle appartenait corps et âme à Fadimè. Ils n’avaient qu’à faire comme ils l’entendaient, comme ils le désiraient…

*

**

On avertit Sullu,

La demeure de l’agha vécut une soirée agitée.

On laissa ensuite Vessilè, la fille d’Omer L’Orphelin, en tête à tête avec Karaayakoglou. Les domestiques reçurent leur pourboire et se couchèrent joyeusement. Sullu mit dans sa poche l’argent que l’agha lui avait donné. « Halil Agha a rajeuni, pensa-t-il. Il a un cœur de jeune homme. Il vient encore de jeter dans son lit une gamine de l’âge de sa plus jeune fille. C’était donc pour lui qu’il gardait la perdrix d’Omer… Voilà pourquoi il a renvoyé tous ses prétendants ! Il sait ce qu’il fait, et mieux que nous tous… »

Omer ne remonta pas dans les pâturages. Il s’assit au café jusqu’à ce que le printemps transformât la neige blanche en terre verdoyante.

Les regards moqueurs qui, les premiers jours, s’étaient posés sur lui, se transformèrent peu à peu en regards respectueux. Il fallait reconnaître qu’Omer s’en était bien tiré. Il avait garanti ses vieux jours. Sa fille était désormais la bru des Karaayak. Il ne lui manquait plus qu’un petit-fils et il posséderait une partie des terres les plus vastes et les plus fécondes de la région. Il pouvait passer le restant de ses jours à bavarder sur un banc du café. Il n’avait plus besoin de s’occuper de moutons. Il avait formé des bergers qui pouvaient prendre sa place. Il ne descendrait même plus en ville pour la fête du Kourban[31]. D’autres y conduiraient le troupeau et vendraient les animaux destinés au sacrifice. Il pourrait finir sa vie dans son village. Il pourrait finir ses jours dans le confort et la joie. Quand on était le beau-père de Karaayakoglou, on était riche. Et Omer avait cette chance extraordinaire, bien qu’il n’y eût jamais eu ni agha ni bey dans sa famille. Halil Agha ne se mariait pas avec n’importe qui. Il fallait qu’il fût amoureux ou que l’élue fût la fille d’un agha au moins aussi puissant que lui.

Or, d’après Sullu, il n’était pas question d’amour entre Vessilè et Halil Agha. Quant à Omer, tout le monde savait qu’il était pauvre. Un tel événement ne se produisait pas chaque génération. Qui sait combien de temps il faudrait patienter maintenant, pour que la fille d’un malheureux entrât de nouveau comme bru dans la demeure d’un agha !

Omer profitait de son oisiveté pour rattraper toutes les prières qu’il n’avait pu faire en montagne. Là-haut, il avait souvent négligé son devoir. On n’avait pas le temps de souffler en gardant les moutons. Ils se seraient éparpillés. Un bon berger ne connaissait ni le sommeil, ni la prière.

*

**

Les villageois étaient à bout de ressources. Leurs champs étaient couverts de rochers pointus et durs. Personne n’allait plus labourer sa terre. Sauf Hassan. « Je peux encore en tirer quelque chose, disait-il. Si j’obtenais assez de blé pour préparer du tarhana, ce serait toujours cela de gagné. Et s’il m’en restait de quoi faire du boulgour[32], je n’aurais pas besoin de toucher à ce que j’ai gagné dans la plaine… Et si je parvenais à économiser le gain de deux étés, je trouverais peut-être un champ. Un champ bien situé. Un champ qui aurait plus de terre que de pierres. Alors, vous verriez ! J’y passerais tout mon temps, je vous le jure ! Je le mettrais en valeur. Je l’ensemencerais, le cultiverais. Je récolterais des moissons riantes pleines d’épis dorés. Je battrais mon blé. Dieu est grand. Il fait même le nid des petits oiseaux. S’il me donnait plus qu’il ne faut pour me nourrir, le reste serait pour vous… Et vous n’auriez pas besoin de me le rendre, hein !… Ce serait un don du ciel ! »

Les paysans riaient. Ils riaient en dodelinant de la tête. Ils auraient bien voulu que ce fût vrai. Mais si Hassan ne leur donnait rien, cela n’avait pas d’importance. L’essentiel, c’était que ses efforts fussent récompensés. Tout le monde savait qu’il était travailleur. Dieu aussi le savait. Il le récompenserait de sa peine.

Peut-être qu’en le voyant faire, ils retrousseraient aussi leurs manches et pourraient acheter de nouvelles terres. L’important était d’être convaincu que c’était possible. Le reste viendrait tout seul. Comme dans le bon temps…

L’hiver, ils ensemenceraient leurs champs et l’été, dés le retour de la plaine, feraient la moisson. N’était-ce pas comme cela, autrefois ? D’un côté, il y avait la forêt et ses travaux, et de l’autre, les récoltes qui jaillissaient de la terre meuble. Le rêve de Hassan leur rappelait tout cela. Les vieux évoquaient les jours heureux. À l’époque, ils ne descendaient jamais dans la plaine. C’étaient les Karaayak qui transportaient, en leur nom, le bois et le charbon en ville et leur achetaient des vêtements et tout le nécessaire pour l’hiver. Ce n’étaient pas les mulets qui manquaient alors !…

Par la suite, la forêt avait reculé. Elle avait fui au loin. Couper du bois et fabriquer du charbon dans la région n’était plus rentable. Comme les Karaayak étaient leurs patrons, ils s’étaient approprié les champs les plus plats, les plus fertiles, et leur avaient laissé ceux qui étaient inclinés et arides. Le temps avait abonni les terres des Karaayak et poussé devant lui celles des villageois…

C’était la nostalgie du passé qui tenaillait Hassan. Le désespoir lui donnait de nouvelles idées. Cela ne pouvait pas durer ainsi. Un jour viendrait où la plaine ne suffirait plus à les nourrir, non plus. Chaque année, on trouvait de nouveaux ouvriers. Il en venait de tous les autres villages de montagne ;

Si seulement ils avaient trouvé un nouvel endroit, des terres fécondes où fonder un nouveau village et de nouveaux espoirs ! Mais impossible… Le nomadisme avait disparu. Ils y avaient mis fin cent ou cent cinquante ans plus tôt, en se fixant ici. Ils avaient pris l’habitude de s’attacher à un lieu. Le cimetière du village avait grandi. Leurs ancêtres y reposaient. Ils ne pouvaient pas les quitter. Désormais, ils appartenaient à ces terres.

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Chapitre 5

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